Le Héros : bravoure, souffrance et métaphysique
Il est des histoires qui vous marquent, dont vous vous souvenez longtemps après avoir lu la dernière ligne, qui créent en vous des émotions vous amenant au bord des larmes. Vous parcourez les pages inquiets du sort des personnages, vous demandant ce que le scénariste a décidé de leur faire vivre, et quand vous refermez le livre sur la dernière péripétie, sur la fin de l'aventure, bah vous êtes un peu tristes.
C'est le cas de Le Héros de David Rubín, qui revisite le mythe grec d'Héraclès (Hercule chez les romains) tout en le situant dans un univers mêlant créatures légendaires et époque futuriste. Au travers de ce pan bien connu de la mythologie, puisque maintes fois adapté, l'auteur donne une définition particulière du héros, loin du surhomme parfait et que rien ne peut atteindre. Cette vision est d'ailleurs assez proche de ce que l'on voit (un peu trop) aujourd'hui dans les films de super-héros : un personnage qui doute de ce qu'il fait, pense au mal qui vient en contrepartie du bien pour lequel il lutte, se méfie de sa fragilité morale... Autant de questions et de thèmes qui font du héros ce qu'il a toujours été : un reflet déformé des Hommes. Car le Héros, malgré ces capacités hors du commun et sa vertu censée être à toute épreuve, reste avant tout un être humain comme les autres, avec ses faiblesses et ses coups de blues. Et David Rubín nous le montre bien. Très bien même.
L'histoire raconte comment Héraclès, fils de Zeus et d'une mortelle, va devenir le premier héros de tous les temps. On le suit donc durant sa jeunesse, alors qu'il apprend auprès du centaure Chiron les arcanes de l'héroïsme. Cependant plus il grandit, plus Héra, épouse et déesse jalouse lui pourrissant la vie pour être le fruit d'un amour illégitime, lui imposera des épreuves divines dont il ne ressortira pas toujours indemne : les Douze Travaux. Au fil de ses aventures, Héraclès rencontrera divers personnages qui le guideront, l'aimeront ou le haïront et lui feront prendre conscience qu'il est plus que le sauveur d'un monde.
Tout seul au scénario et au dessin, Rubín nous livre deux très beaux volumes. Son dessin offre un aspect très doux, plein de courbes et de couleurs, on se croirait presque dans un cartoon. Puis arrivent les premières scènes de combat et là on voit que l'homme sait y faire en matière d'action. Les gerbes de sang et les impacts des coups mêlés à un dessin si "pacifique" rendent les batailles bien plus violentes qu'elles ne le sont. Chaque scène n'est dessinée qu'avec une palette réduite de couleurs, ce qui permet de déterminer directement son ambiance et l'émotion transmise n'en est que plus forte. Rubín joue ainsi des couleurs afin d'insérer des flashbacks, des rêves, des méditations ou des hallucinations sans que cela ne puisse être confondu avec la réalité du récit.
Je l'ai déjà dit plus haut, l'histoire se déroule dans un univers où les figures classiques de la mythologie sont présentes et se mélangent à une sorte de bio-technologie. Chaque mythe est ainsi revisité : Prométhée devient un scientifique ayant voulu ressusciter sa femme (coucou Victor Fries !), Hermès se balade en bagnole et Diane finit par ressembler à Wonder Woman. Car oui, l'auteur est fan de comics, et ça se voit. Que ce soit par le découpage de l'histoire en chapitres ou les références visuelles directes aux personnages de DC (quel bon goût !), le dessinateur crie fièrement son amour pour la BD de l'Oncle Sam. Et c'est là que la démarche de l'auteur prend tout son sens : en tant que fan de comics et de ses héros costumés, il en écrit le mythe originel, celui qui fera d'eux ce qu'ils sont aujourd'hui, des icônes auxquels on peut s'identifier malgré la fictivité de leur existence.
Vous l'aurez sans doute compris, cette BD est un véritable coup de cœur pour moi, je la recommande à tous : amateurs d'action, de dessins somptueux, de scénario prenant ou de réflexions métalittéraires (tout à la fois c'est bien aussi), procurez-vous Le Héros.
Bonus : je me la pète grave avec les deux dédicaces que j'ai chopées à Angoulême et qui prouvent le talent de l'artiste !