Le jeu vidéo, un moyen comme un autre d'échapper au monde réel, au même titre que les livres, les films ou la musique. Avec cet avantage qu'il peut, en quelque sorte, combiner les trois. La majorité des jeux, que ce soit ceux d'il y a 20 ans ou d'aujourd'hui, prennent place dans un univers imaginaire, créé de toutes pièces avec tout ce que ça inclut de background, de personnages, de mythologie... Pourtant certains utilisent un contexte plus proche du réel, soit en déformant notre histoire passée, soit en se projetant dans un futur hypothétique ou encore en modifiant de manière plus ou moins plausible un élément de notre réalité. L'univers d'un jeu et son gameplay sont intimement liés : dans le western Red Dead Redemption on troue le corps de ses adversaires avec des revolvers et on utilise un lasso; dans le jeu d'enquête L.A. Noire on cherche des indices et on interroge les témoins...

Or si un jeu utilise un contexte réaliste, son gameplay va aussi l'être. Et ce n'est pas forcément un mal, cela peut contribuer à l'immersion du joueur, servir l'histoire ou favoriser l'identification au personnage et donc le roleplay. Encore faut-il que ce soit bien fait. Car si il peut être utilisé à des fins nobles pour la cause vidéoludique, utilisé à outrance le réalisme peut rapidement appauvrir la diversité de notre loisir préféré.

 

Un cache-misère

 

Ce qui a fait le succès de nombreuses licences, c'est leur univers accrocheur qui aura su captiver les joueurs, les intéresser grâce à ses personnages attachants et son histoire prenante. Preuve en est avec le livre Hyrule Historia, sorte de bible de l'univers The Legend of Zelda. La série continue de faire battre le cœur des joueurs après tant d'années car ils savent qu'à chaque fois c'est une nouvelle plongée dans un monde magique, plein d'héroïsme et d'aventure, leur faisant oublier un instant les problèmes qui les accablent dans le monde réel. Le problème du réalisme saute aux yeux : on y perd l'intérêt d'un jeu vidéo. Alors certes ce réalisme nous permet de réaliser des choses dont nous serions incapables en vrai : entamer une carrière de sportif professionnel, devenir un tueur à gages, piloter un hélicoptère...Mais cela s'apparente plus à de la simulation qu'à du véritable jeu. Et là c'est affaire de point de vue, de ce qui différencie un jeu d'une simulation, de ce qu'on considère comme un jeu. Splinter Cell est-il un simulateur d'infiltration au même titre que Euro Truck Simulator recrée la vie de camionneur ? Arma, avec sa balistique réaliste et sa précision dans l'équipement, est-il un jeu ou une simulation de guerre ?

Peu importe votre avis, derrière ce choix du réalisme on peut déceler un manque de créativité. Pourquoi s'embêter à créer un monde de toutes pièces, en imaginant ce qui le compose de A à Z quand on a à sa disposition un monde déjà fait et qui tourne bien ? Rien à inventer, on prend ce qui existe et on le transpose en gameplay. Sauf que ça peut donner lieu à un beau bordel.

 

Un manque de cohérence

 

Argument assez difficile à aborder quand on parle de jeu vidéo, la cohérence. Comme dit en intro, un scénario ou un univers réaliste induit un gameplay réaliste. Dans l'Afghanistan de Medal Of Honor on lance des gentilles grenades alors que sur la Pandora de Borderlands on explose tout avec des grenades qui électrocutent nos ennemis. Tout est question d’harmonie du paysage donc. Un léger problème vient cependant gâcher cette immersion que le réalisme peut créer. Imaginez, vous êtes en pleine fusillade, retranché derrière des barricades, sous le feu ennemi, les balles fusent, vous levez la tête pour observer la situation et BOUM, une balle dans la tête et vous êtes morts. Pas de problème, on recharge le dernier checkpoint et c'est reparti ! Ce qui est, vous serez d'accord, tout sauf réaliste. Dans des jeux comme Borderlands, le respawn est justifié grâce aux stations de reconstruction ADN, et on n'y trouve rien à redire puisque, dans cet univers de science-fiction déjanté, c'est plausible. Et encore ce n'est qu'une absurdité parmi tant d'autres : le soldat qui se prend un chargeur dans le bide avant de repartir courir, celui qui sprint sur 500 mètres sans problème, les personnages transportant des dizaines d'objet dans des poches qui semblent sans fond et j'en passe !

Vous l'aurez compris, faire un jeu réellement réaliste relève presque de l'impossible. Retranscrire les faiblesses et capacités humaines sans rendre le jeu injouable tient de l'exploit. D'ailleurs il est rare de voir des jeux y arriver, dans ceux-là l'immersion est quasi-inexistante, on ne peut pas s'identifier à un personnage surhumain quand on nous le présente comme normal. Ce qui me ramène encore une fois à l'intérêt premier du jeu vidéo : l'évasion ! Je ne vais pas me répéter mais allumer ma console ou mon PC (Peace et Amour entre vous) pour me retrouver devant des immeubles comme ceux que j'ai vu en me barrant de la fac, c'est pas intéressant.

 

Plot Twist !

 

J'ai l'air de mépriser le réalisme, de le voir comme la lie du jeu vidéo...parce que c'est le cas. Pourtant je sais lui reconnaître des qualités. En effet certains jeux ont très bien réussi l'épreuve en proposant des jeux adaptés à un tel univers. Je pense par exemple à GTA IV, qui au travers de sa Liberty City inspirée de New York a su créer une satire de la société actuelle, mettant en exergue tous ses travers. Le réalisme est ici au service de la parodie, il a une raison d'être, il n'est pas là parce que les scénaristes ont eu une grosse flemme au moment de l'écriture.

De même, ce réalisme facilite grandement l'immersion du joueur. L'expérience vidéo-ludique est plus intéressante lorsqu'on est totalement plongé dedans. Le jeu To The Moon a pour but de créer des émotions fortes chez le joueur au travers de révélations sur le passé d'un personnage. Or ces émotions ne peuvent être déclenchées que si vous êtes pris par l'histoire, si vous vous sentez « dedans ». Dans certains jeux cette immersion est grandement facilitée,entre autres, par le réalisme. En effet, se balader dans des environnements existants, que l'on connaît nous permet plus facilement de nous sentir à la place du héros. Le contexte n'est cependant pas le seul à agir, le gameplay et le scénario doivent suivre, de manière à nous faire ressentir les mêmes sensations, aussi bien physiques que mentales, que notre personnage.

 

De nos jours, le réalisme est de plus en plus présent dans les jeux vidéos, preuve en est avec la ridicule course aux graphismes ultra-réalistes. Poussé à son paroxysme, cela pourrait signer l'arrêt de mort d'une créativité qui a déjà bien du mal à survivre. Et pour tous ceux qui trouvent que jouer un lutin vert parti sauver une princesse est gamin et que jouer un soldat surentraîné brutasse au possible est mature, laissez-moi vous dire que les jeux du lutin sont bien souvent plus adultes que ceux du soldat.