Stranger-Things-Entete

DISCLAIMER : Stranger Things tire sa force du fait qu'elle référence beaucoup (genre à donf) le cinéma et la télé des années 80, et n'ayant que quelques notions et préférences extrêmement subjectives dans ces domaines, je risque de passer pour un naze donc pas d'insultes merci <3

La sensation de cet été 2016 en termes de séries c'est Stranger Things. Essayer d'y échapper est impossible, comme une espèce de force du destin qui fait tout pour nous ramener vers elle, pour nous faire affronter ce face à quoi on ne se serait jamais cru prêt. Analyse d'un succès, et de ce que ça engendre.

La série des frères Duffer est un hommage vibrant aux années 80. Séries, films, musiques, même un peu de mode, et tout ce qui était en train de devenir notre pop-culture, se retrouvent glorifiés à travers l'histoire de 4 enfants (5 si on veut être sympa avec ce petit Will). Ainsi tout ce qu'on voit et entend est une potentielle Madeleine de Proust. Mais alors comment justifier un tel succès, même auprès de gens comme moi, comme vous peut-être, nés dans les années 90 et pour qui le premier Star Wars avait déjà 17 ans ?

Comme annoncé précédemment, les années 80 ont encore une place très forte dans la culture d'aujourd'hui. En termes de musique, on n'a jamais entendu autant de nappes et de synthés évoquant des néons aveuglant qu'en écoutant des artistes comme College, Perturbator ou encore Carpenter Brut. Le nom de scène de ce dernier, plus qu'évocateur, est un exemple parfait puisque le réalisateur est cité directement dans la série, comme pour justifier une parenté déjà évidente avec son époque. Ainsi le générique est un des plus agréables de ces dernières années, et durant les 8 épisodes j'ai bien fait attention de monter le son pour ne pas en perdre un seul instant. D'habitude le générique finit par devenir ce moment de pause où je vais chercher un paquet de chips, quand je suis pas lassé et finit par le passer après 2 épisodes. Là non, le groupe S U R V I V E (nom assez adapté à la série au final) m'a hypnotisé, et a transformé le générique en l'une de ses forces qui me fait trépigner à chaque fois qu'un nouvel épisode se lance. Pour le reste de la soundtrack, on alterne entre morceaux de synthwave qui continuent le travail lancé par le générique, et des morceaux plus ou moins emblématiques de l'époque, en restant quand même du côté du rock. Le tout nous plongeant efficacement dans cette ambiance de jeans délavés, de gomina dans les cheveux, et de baskets blanches (à l'époque où c'était vraiment stylé).

Car parlons-en de la mode ! Rapidement car c'est un détail qui ne marquera pas tout le monde, mais le travail sur le look des acteurs est fabuleusement efficace. Même basées sur des clichés et stéréotypes qui ont 30 ans, les tenues permettent une identification immédiate lors de la première apparition d'un personnage. Winona Ryder avec ses cheveux sales et ses fringues à la limite du portable ? La mère seule qui galère avec son boulot et ses deux enfants. Le beau gosse insolent avec son brushing aérien et ses hauts près du corps ? L'amour défendu, le garçon interdit, soleil qui brûlera les ailes de celles qui s'approcheront trop près. Et comme on est en 2016 on est quand même capable de dépasser les clichés grâce à Eleven (El pour les potos), dont la tenue iconique est en passe de devenir un cosplay incontournable car lourd de sens.

A côté de ça, la série n'est pas que détails sympas pour les mecs qui n'ont pas encore lâché leur Atari 2600. Elle développe aussi une histoire compilant tout ce qui faisait de mieux à l'époque de Snake Plissken, que ce soit au niveau des développements de son scénario, de ses personnages ou de ses thèmes.
L'histoire regroupe tout ce qu'on trouve d'habitude quand on se moque des années 80 : de la science-fiction source de créatures fantastiques, des complots gouvernementaux dignes des thrillers les plus abracadabrants, et des enfants qui gèrent la situation au mieux pendant que la moitié de la ville s'en branle (alors que tout ce beau monde fout méchamment le bordel). On peut légitimement se demander comment faire cohabiter toutes ces pistes qui nous semblent usées et si simples à voir venir sans que ça devienne un foutoir imbuvable. La réponse réside dans le format sériel qui permet à l'histoire de prendre son temps, de développer ses axes, de lier ce qui semble n'avoir aucun rapport et de nous donner envie de savoir à quoi tout ça rime.  Et tout ça est dû en grande partie aux personnages, tous plus ou moins des archétypes réactualisés avec les standards actuels. Parmi la variété de rôles qui défilent, il est très difficile de ne pas en reconnaître un qu'on aura déjà vu au détour d'une cassette et qui nous rappellera ces belles après-midi vautrés sur un canapé. Mais la grande force de Stranger Things c'est qu'elle fait plus qu'un clin d’œil un peu complice mais bâtard au spectateur. En fait elle fait ce clin d’œil, mais pour attirer l'attention, et montrer qu'on peut faire plus, et surtout qu'il faut aller plus loin que ce qu'on voit. Comme l'indique le titre, l'étrange(r) est au cœur de l'histoire et chaque protagoniste aura à y faire face afin de se découvrir et de ressortir grandi de ces 8 épisodes. Ainsi, et sans spoiler, le flic désabusé qui n'a plus rien à foutre du "protéger et servir" se révèle plus complexe et attachant; le beau gosse plein d'assurance rapidement insupportable se dévoile plus fragile et sensible qu'il ne laisse paraître...

En écrivant je me rends compte que je pourrais vous citer d'autres archétypes déconstruits puis modernisés mais beaucoup me renvoient directement au Breakfast Club de John Hughes. Donc déjà, je vous conseille, je vous ordonne, je vous implore de voir ce film, de le montrer autour de vous et d'en parler parce qu'il est fait pour ça. Ensuite ça me permet de conclure (notez l'habileté et la fluidité de cette transition). Dans son film, John Hughes déconstruisait déjà les stéréotypes, mais le faisait à son époque, et lui a valu cette qualité de génie, cette capacité de critiquer une époque qui était loin d'être terminée, de pouvoir prendre du recul sur sa propre industrie. Et j'ai un peu envie de dire que Stranger Things reprend le boulot là où Hughes l'a laissé. Mort en 2009, le monsieur a laissé des films traitant de l'enfant, de l'adolescent, de l'adulte dans toute leur complexité et de ce que voulait dire la transition entre ces étapes. Ainsi, Stranger Things est à sa manière l'histoire du passage à l'âge adulte, de l'apprentissage de la différence, de l'acceptation de ce qu'on ne comprend pas et qui peut au premier abord nous effrayer. Chacun dans sa vie a déjà croisé au moins une fois le chemin de quelque chose d'étrange, qu'il aurait préféré éviter, mais dont la rencontre l'a fait ressortir plus fort, plus mature. Et ainsi sont justifiées ces références à foison, qui submergent le spectateur et semblent presque de trop à certains moments : une soirée dans la cave de tes parents, avec tes potes, qui te connaissent par cœur et seront là pour t'aider à affronter ces choses étranges.

 

Petit paragraphe final (promis) pour parler de ce qui va arriver à Stranger Things : Netflix a affirmé qu'il serait bête de leur part de ne pas faireune deuxième saison, et je suis pas trop d'accord (mais quand même un peu). Comme je viens de l'expliquer en détail, l'histoire racontée par les frères Duffer est celle d'un passage à l'âge adulte, opéré selon moi à la fin des 8 épisodes. La série se terminait de manière très élégante, résolvant tous les points d'intrigue, et laissant flotter assez de poésie pour défendre les idéaux de tolérance et d'amitié indéfectible dépeints tout au long des 8 épisodes. Les dernières minutes de la série teasent une seconde saison, ne pas lui en donner la ferait donc passer pour un fiasco à oublier rapidement, ce qu'elle est loin d'être. Me voilà donc partagé entre ma volonté de voir ça comme un one-shot réussi, et mon envie de plus, d'une deuxième saison plus forte et plus belle encore (mais qui commencerait à sentir le fan-service gratuit). Alors en attendant je joue à Donjons & Dragons, je fais mon brushing et je ressors mon synthé.